Lettre à la commission de services policiers d'Ottawa

Le conseiller pour Rideau-Rockcliffe, Rawlson King, a soumis une lettre à la Commission de services policiers d'Ottawa pour la réunion du 22 juin 2020 concernant la réforme de la police.


Le 22 juin 2020

 

Monsieur L.A. (Sandy) Smallwood
Président par intérim
Commission de services policiers d'Ottawa
110, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1P 1J1

 

Monsieur,

Dans la foulée du meurtre de George Floyd par des policiers américains, nous sommes témoins d'un mouvement social sans précédent partout dans le monde et ici même au Canada. Cet épisode de notre histoire est lourd de conséquences et nous touche tous et toutes. Bien que cette récente tragédie se soit produite aux États-Unis, nous savons que le racisme perdure au Canada et ici à Ottawa.

Si ce tragique incident est particulièrement éprouvant à Ottawa, c'est parce que les résidents de nos communautés noires, autochtones et racialisées sont eux aussi aux prises avec les mêmes grandes difficultés historiques, dont le racisme contre les Noirs et les Autochtones, la brutalité policière, la pratique controversée du cartage et les vastes disparités économiques auxquelles sont soumis les collectivités autochtones et les gens de couleur.

Parce que trop de gens à Ottawa sont aux prises avec des problèmes aigus de racisme et d’injustice, ce dont témoignent les décès d’Abdirahman Abdi et de Greg Ritchie, il est essentiel que nous adoptions des mesures permanentes pour veiller à protéger les droits de la personne et la dignité de tous et de toutes. C’est pourquoi je suis favorable à la motion de Daljit Nirman, membre de la Commission, qui nous invite à nous pencher sur le racisme systémique, sur la discrimination et sur les préjugés afin de veiller à ce que le Service de police d’Ottawa (SPO) soit plus équitable et inclusif. Sa motion réclame la refonte de structures et de systèmes qui existent de longue date au sein du SPO pour veiller à ce qu’ils soient plus équitables et inclusifs. Nous devons tous être solidaires et savoir que nous avons tous un rôle à jouer dans la répression et l’élimination du racisme et dans l’humanisation de toutes les interactions avec les membres des communautés. C’est pourquoi je suis d’accord pour que le SPO noue un partenariat avec le Secrétariat de la lutte contre le racisme de la Ville d’Ottawa pour s’assurer que le Service de police se penche sur des pratiques exemplaires pour lutter contre le racisme systémique.

Le racisme systémique ou institutionnel témoigne de l’impuissance collective des organismes à offrir des services compétents et professionnels aux citoyens en raison de la couleur de leur peau, de leur culture ou de leurs origines ethniques. On peut constater ou détecter ce racisme dans les processus, les opinions et les comportements assimilés à la discrimination en raison des préjugés inconscients, de l’ignorance, de l’irréflexion et des stéréotypes racistes qui déconsidèrent les ethnies minoritaires. La Commission ontarienne des droits de la personne définit comme suit la discrimination (ou le racisme) systémique : « La discrimination systémique découle de politiques, pratiques et comportements qui font partie des structures sociales et administratives de l’organisation et dont l’ensemble crée ou perpétue une situation désavantageuse pour les personnes racialisées ». Le racisme systémique est dévastateur quand il a pour effet de priver les membres des diverses communautés d’Ottawa des mêmes chances de réussir. C’est pourquoi la responsabilité de relever ces défis revient au Service de police d’Ottawa.

Le racisme systémique se répercute sur tous les aspects de l’existence des Autochtones et des personnes racialisées. Le racisme a un retentissement si profond que le Conseil de santé d’Ottawa a récemment déclaré qu’il s’agissait d’un important motif de préoccupation pour la santé. Santé publique Ottawa a reconnu que les personnes victimes de racisme, de discrimination et de stigmatisation sont en moins bonne santé et qu'il y a plus de probabilités de décès dans ces populations. Cet organisme fait observer que l’on peut mesurer les torts que cause le racisme à la santé des membres des communautés africaines, antillaises et noires grâce à plusieurs facteurs socioéconomiques, dont la santé et les résultats des études. De concert avec les défaillances dont font abondamment état les documents de recherche et avec les répercussions de la justice pénale sur ces communautés, l’ensemble de ces facteurs négatifs démontre qu’il faut réformer le SPO pour contrer le racisme systémique.

À Ottawa, les membres de la collectivité recommandent depuis longtemps que le SPO reconnaisse les enjeux du racisme systémique dans son service et se penche sur ces enjeux. Ils ont déjà invité le SPO à embaucher et à promouvoir des agents parmi les ethnies racialisées, à se pencher sur les mesures disciplinaires à adopter pour enrayer les comportements racistes, à étendre la collecte des données ethniques aux contrôles de routine menés à pied et à surveiller le rendement des mesures essentielles de promotion de l’équité. Des membres des communautés noires et racialisées ont également invité la Commission de services policiers d’Ottawa à obliger le chef de police et le SPO à être redevables de l'équité dans le maintien de l'ordre.

À une époque plus récente, le coprésident du Conseil sur l’équité police-collectivité a réclamé l’amélioration de la participation citoyenne et de la responsabilisation communautaire dans l’opérationnalisation de la « transformation » pour mettre un terme au racisme systémique au sein du Service de police. Des membres de la collectivité, surtout les jeunes, ont fait savoir qu’ils souhaitaient participer à la réforme et à la transformation du Service de police. Je salue leurs efforts, et c’est la raison pour laquelle j’ai adressé au Conseil une demande de renseignements, en invitant le personnel de la Ville à passer en revue les différentes options d’un processus de participation citoyenne à l'étude de la réforme policière, dans laquelle il faudrait aussi tenir compte de l’avis des membres du public, des organismes communautaires, ainsi que des directions générales et des organismes de la Ville, dont la Direction générale des services sociaux et communautaires, Santé publique Ottawa et Prévention du crime Ottawa, entre autres.

Je tiens à souligner les progrès accomplis dans l’amélioration de l'équité dans le maintien de l'ordre, en mettant récemment sur pied la Direction du respect, des valeurs et de l’inclusion, qui a pour mission d’instituer une approche « intégrale » dans l'étude de questions comme le harcèlement en milieu de travail, la discrimination, les droits de la personne, ainsi que les principes de l’éthique, de l’équité, de la diversité et de l’inclusion. Dans le cadre de l'établissement du budget de 2020, j’ai demandé au chef de police si le SPO avait suffisamment de ressources pour mener ses initiatives d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI), et nous étions tous les deux d’accord pour dire qu’il fallait y investir davantage. Je suis convaincu que le chef du Service de police et la Commission ont la volonté de mener une transformation culturelle significative au SPO, mais qu'il faut accélérer et mieux financer les changements, surtout dans les initiatives d’EDI, pour conquérir la confiance du public.

Bien que je salue la volonté du chef de police d’apporter des changements dans le maintien de l'ordre à Ottawa, les membres de la collectivité tiennent à s’assurer que ces efforts donneront lieu à une consultation publique significative, qui aura pour effet de réaffecter aux services sociaux le financement actuellement consacré à l’application traditionnelle des lois. Je crois que les communautés historiquement marginalisées s’attendent à une réforme institutionnelle, ce qui explique que l’on réclame le « définancement des forces de l'ordre », ce qui s’est généralisé dans la foulée des gigantesques manifestations qui se sont déroulées partout aux États-Unis, au Canada et ailleurs dans le monde pour protester contre la violence policière, le racisme systémique et l’iniquité structurelle. Or, l’invitation à définancer les forces de l'ordre n’est pas applicable, politiquement ou juridiquement, en Ontario, puisque les structures législatives et des dépenses de l’État ne permettent pas de priver arbitrairement de ressources les services de policiers à l’échelon municipal.

En sa qualité d’organisme distinct et autonome, le SPO est régi par la Loi sur les services policiers et relève de la Commission de services policiers d’Ottawa et d’autres entités provinciales, dont la Commission civile de l’Ontario sur la police. Bien que plusieurs conseillers municipaux soient nommés à la Commission de services policiers d’Ottawa, leurs responsabilités sont déterminées par la loi provinciale, et le Conseil municipal ne peut pas donner à ces conseillers municipaux de consignes sur l'exercice de leurs fonctions en leur qualité de membres de la Commission de services policiers d'Ottawa. L’objectif premier de cette commission est d’approuver le budget annuel du Service de police, qui doit, en vertu de la loi, prévoir des ressources suffisantes pour « des services de police adéquats et efficaces », selon les besoins de la municipalité. Bien qu'il approuve, en définitive, globalement le budget de la Commission de services policiers d’Ottawa, le Conseil municipal ne peut pas, en vertu de la loi, adopter ni rejeter les différents postes du budget. Si, selon l’avis de la Commission de services policiers, le budget adopté par le Conseil municipal est insuffisant pour doter le Service de police des ressources voulues pour la Ville, la Commission civile de l’Ontario sur la police est invitée à trancher la question du budget.

Le Conseil n’a pas l’autonomie lui permettant de modifier le mandat du Service de police, d’orienter les fonctions opérationnelles de ce service, de le priver de ressources qui l’empêcheraient d’assurer « des services de police adéquats et efficaces », ni de comprimer unilatéralement le budget du Service de police afin d’investir dans des services sociaux, plutôt que dans l’enveloppe budgétaire de ce service. Toutefois, le Conseil municipal peut réaffecter des fonds et préconiser d’accroître les investissements dans les services sociaux relevant directement de sa compétence, afin de permettre de mener des interventions précoces pour maîtriser les torts démesurés que subissent les Noirs, les Autochtones et les personnes racialisées dans leurs rapports avec le système judiciaire.

Une première étape doit consister à investir davantage dans les communautés afin de corriger les causes systémiques de la criminalité. C’est pourquoi je suis favorable au rehaussement des investissements pour étayer l’infrastructure des services sociaux d’Ottawa, afin d’aider les résidents et les communautés à répondre à leurs besoins sociaux, à faire fructifier leur potentiel et à optimiser la résilience et le bien-être des communautés. La Coalition des centres de ressources et de santé communautaires d’Ottawa recommande que le Conseil municipal d’Ottawa donne, dans le cadre de son mandat de 2019-2022, une priorité aux services sociaux, en visant clairement à fortifier ces services. La Coalition recommande des investissements d’au moins cinq millions de dollars, en plus du financement existant, pour rehausser les services sociaux afin d’offrir un soutien adéquat aux personnes qui risquent d’être reléguées dans d’oubli.

En investissant dans les communautés, il est moins nécessaire de recourir à la force pour maintenir l'ordre; ainsi, la Ville aurait moins à mener des interventions musclées, motivées par les incidents, et pourrait plutôt miser sur les bienfaits à long terme du développement social et de la prévention. Par conséquent, dans le cadre de cette enveloppe de financement, nous devons rehausser les investissements dans les organismes de santé et de services sociaux. L’État fédéral partenaire doit aider notre administration municipale en consacrant ces fonds supplémentaires aux centres communautaires de santé et de recherche; il doit aussi financer comme il se doit les programmes sociaux menés par les Noirs et les Autochtones, en particulier dans les quartiers qui en ont impérieusement besoin, afin d’apporter à ces communautés l’aide voulue. La communauté noire souhaite en particulier de meilleurs investissements communautaires, en tenant compte des engagements adoptés par le gouvernement fédéral dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine des Nations Unies (DPAANU).

Les hautes instances de l’État doivent aussi aider la Ville à financer en permanence son programme Construire de meilleurs quartiers revitalisés, dont l’objectif est d’améliorer la santé, la vitalité et l'habitabilité des quartiers prioritaires sur le territoire d’Ottawa. Ce programme permet de créer des plans d’action propres aux différents quartiers afin de réaliser des projets de revitalisation qui auront un profond retentissement dans les quartiers très défavorisés, en faisant fructifier les économies, les perspectives et les forces que chaque direction générale de la Ville peut optimiser, qu’il s’agisse de l’aménagement du territoire, de l’amélioration des infrastructures, des parcs ou des services sociaux. Ce programme est le fruit d’une approche exceptionnelle et authentiquement ottavienne, qu’il faut continuer d’appliquer au-delà des mandats des budgets de fonctionnement ponctuels et étendre à toute la Ville.

La Ville d’Ottawa a aussi besoin de ressources adaptées pour intervenir dans les crises d’urgence dans le domaine de la santé mentale. Notre ville doit financer de nouveaux programmes d’intervention mobile dans les crises de santé mentale pour éviter que nous ayons à nous en remettre exclusivement au Service de police pour intervenir auprès des personnes en crise. Ottawa doit suivre l’exemple de villes américaines et européennes qui ont mis au point des modèles d’aide dans les crises de santé mentale, appliqués indépendamment des services policiers. Dans cette approche, les équipes de professionnels de la santé et de travailleurs en cas de crise assurent les premiers soins dans les crises psychologiques urgentes. Elles évaluent la situation, donnent de l’information, font des recommandations, défendent les gens et les invitent même à s'adresser à d’autres organismes à but non lucratif en mesure de leur apporter de l’aide supplémentaire. Cette approche permet de réduire le rôle des forces policières quand elles doivent intervenir auprès de personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale et de désamorcer des scénarios qui pourraient donner lieu à des actes de violence policière.

Je crois aussi que notre ville a besoin d’une stratégie jeunesse complète, qui mise sur les précédents plans d’action auprès des jeunes afin de leur offrir de meilleures perspectives dans leurs études et leurs loisirs grâce à de nouveaux programmes pour les jeunes à risque. Cette stratégie viserait à mettre au point des solutions proactives pour permettre aux jeunes d’être plus instruits, mieux connectés, mieux employés professionnellement et davantage mobilisés dans la collectivité. Je suis convaincu qu’intervenir proactivement auprès des jeunes viendra réduire l’importance démesurée de la criminalité violente des bandes de rue sur le territoire de notre ville.

Il n'y a guère de perspectives, de programmes dans les heures décisives et de solutions de rechange dans l’emploi pour remplacer le commerce illicite des drogues; la Stratégie jeunesse doit faire état de tous ces problèmes sur l’ensemble du territoire de la Ville. Le risque d’un fort décrochage scolaire s’accroît dès la petite enfance dans les communautés à revenus faibles, dans lesquelles les taux de décrochage peuvent atteindre 50 % ou parfois plus. Dans les communautés à faibles revenus, les jeunes doivent surmonter des obstacles considérables dans leurs études, ce qui nuit à leurs chances de faire des études supérieures menant à un diplôme, notamment l’inaccessibilité des repas nutritifs, l'instabilité financière et la pénurie de ressources éducatives et de moyens de transport adéquats. Les statistiques locales démontrent que trois heures seulement par jour font courir des risques aux enfants et que des jeunes ont des problèmes de santé mentale. En consacrant à la prévention une plus large part du budget des services sociaux, on aura en définitive moins de fonds à consacrer à l’incarcération. Les données nous apprennent aussi que les jeunes adultes qui ne sont pas diplômés des études supérieures sont moins présents dans la population active. Souvent, les facteurs les plus prépondérants qui permettent de prédire les délits se multiplient dans les ménages dont le statut socioéconomique est faible, quand les jeunes s’associent à des amis délinquants, fréquentent des établissements scolaires où le taux de délinquance est élevé et vivent dans des secteurs défavorisés. Or, toute cette adversité est généralement associée à l’adversité individuelle et familiale. Dans ce contexte, l’un des meilleurs facteurs de protection correspond à toute l’importance que l’on donne au succès dans les établissements scolaires (par exemple en mettant l’accent sur les devoirs, sur les cours et sur l’orientation dans l'accomplissement des tâches), de concert avec le rehaussement des investissements dans les programmes communautaires parascolaires.

L’objectif d’une stratégie jeunesse complète devrait consister à améliorer l’ensemble de la qualité de vie des jeunes de 13 à 24 ans qui résident sur tout le territoire de la Ville, afin de permettre aux jeunes, à leurs parents et au grand public de mieux connaître les programmes et les ressources offerts aux jeunes et d’augmenter la participation des jeunes à ces activités, d’améliorer les résultats des études des jeunes en réduisant les taux de décrochage et en rehaussant les taux de diplomation, d’accroître les perspectives permettant aux jeunes d’avoir accès à des emplois bien rémunérés dans les entreprises privées, les organismes à but non lucratif et la fonction publique et aux programmes de formation professionnelle, de réduire les obstacles que doivent surmonter les jeunes pour avoir accès à des moyens de transport abordables, et de leur permettre d'avoir mieux accès aux programmes et aux services récréatifs sans obstacle ou abordables. La Ville doit aussi rehausser ses investissements globaux dans la déjudiciarisation pénale grâce à des projets communautaires menés par Prévention du crime Ottawa, par l’Initiative pour les enfants et les jeunes d’Ottawa, ainsi que par Avenir Jeunesse et Jeunesse Ottawa. Bien que les critiques laisseront entendre que nous n'avons pas les moyens de financer tous ces investissements supplémentaires, cette invitation est en définitive économiquement logique. En Ontario, chaque diplômé des études supérieures permet au gouvernement provincial d’économiser 3 000 $ par an en aide sociale, en soins de santé et en dépenses consacrées à la justice pénale. Il faudra essentiellement que le Conseil municipal et la Commission de services policiers unissent leurs forces pour tâcher de mieux financer les programmes communautaires. Vous savez sans doute que le gouvernement fédéral a fait état, dans sa Lettre-mandat du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, de ressources supplémentaires pour instituer un courant de financement spécialisé à l’intention des municipalités pour qu'elles puissent lutter contre la violence liée aux bandes de rue et étendre les programmes de déjudiciarisation permettent de sortir les jeunes à risque du système de justice pénale.

Une demande de financement déposée de concert par le Conseil municipal et la Commission de services policiers pour inviter le gouvernement fédéral à étayer le financement des services sociaux de la Ville et l’optimisation de la Stratégie jeunesse favoriserait le financement des programmes sociaux destinés aux centres de ressources communautaires dans les quartiers marginalisés de tout le territoire de la Ville, de concert avec les programmes de prévention de la criminalité et l’accroissement des investissements dans les programmes parascolaires. Idéalement, ce financement permettrait aussi de mettre sur pied les équipes intégrées de services de quartier qui viennent d'être proposées pour la Ville et dont l’objectif est de maximiser l’impact des efforts de développement communautaire de la Ville dans les quartiers et auprès des personnes aux prises avec les besoins les plus complexes. Idéalement, un financement supplémentaire de 15 millions de dollars du gouvernement fédéral permettrait d’accroître les efforts consacrés pendant le mandat du Conseil pour consentir d’autres investissements dans l’infrastructure des services sociaux, dans la programmation culturelle destinée aux communautés noires et autochtones, dans l’institutionnalisation permanente du programme Construire de meilleurs quartiers revitalisés, dans les nouvelles ressources mobiles dans le domaine de la santé mentale et dans le renouvellement de la Stratégie jeunesse.

Un volet important de cette stratégie devrait aussi ériger Ottawa au rang de « ville amie des enfants ». Dans le monde entier, plus de 100 maires ont signé des déclarations dans le cadre de l’initiative Ville amie des enfants (VAE) de l’UNICEF. Ces villes se sont engagées à produire des résultats concrets, durables et mesurables pour les enfants, à promouvoir la participation massive et inclusive des enfants et à tout mettre en œuvre pour éliminer la discrimination contre les enfants et les jeunes dans le cadre des politiques et des interventions. En s’affirmant comme ville amie des enfants, Ottawa miserait sur sa récente proclamation de ville amie des enfants et consacrerait officiellement l’énorme influence qu’exerce notre administration municipale sur la vie et le bien-être des enfants. Les principes directeurs de la VAE peuvent constituer une pierre d’assise pour les moyens grâce auxquels nous pourrons mener la réforme. Les principes de la VAE qui donnent la priorité à la lutte contre la discrimination et aux intérêts supérieurs des enfants, ainsi qu’à l’équité et à l’inclusion, en sont des exemples. Le protocole-cadre de la VAE prévoit des stratégies pour la collecte des données et la surveillance des progrès accomplis, pour que la Ville puisse s’en servir comme outil. Déclarer qu'Ottawa est une ville amie des enfants reconnue, c’est aussi s’imposer l’obligation d’adopter une approche de bienveillance à l’endroit des enfants dans le cadre de l’élaboration de nos politiques. Nous ferons ainsi savoir au monde entier qu’Ottawa prend au sérieux son avenir en investissant dans la jeunesse, puisque nous serons redevables de notre intervention dans le cadre d’objectifs mesurables.

Lorsque la Commission de services policiers décidera de se pencher sur la question de la forte méfiance à l’endroit des forces de l’ordre dans de nombreuses communautés partout sur le territoire de la Ville, il faudra consacrer plus d’efforts à la réconciliation soutenue et au changement systémique. En déposant en juin l'an dernier une motion auprès du Conseil afin de réduire la violence par les armes à feu, je voulais mettre en lumière l’impact démesuré de la violence par les armes à feu dans les rues sur les communautés marginalisées partout à Ottawa. Depuis des décennies, le maintien de l'ordre dans les communautés vulnérables à Ottawa se déroule selon un modèle de dissuasion inadapté, qui donne la priorité aux arrestations plutôt qu’au bien-être de la collectivité.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que le modèle actuel de maintien de l'ordre appliqué par les forces policières a donné lieu à des obstacles intergénérationnels. Ces obstacles contribuent à leur tour au sentiment permanent de méfiance et de désillusion à l’endroit des systèmes qui visent pourtant à protéger nos communautés. Le Service de police d’Ottawa n’a pas réussi à réduire la criminalité dans les communautés marginalisées en s'en remettant à l’actuel modèle axé sur la dissuasion. Ma motion sur la violence par les armes à feu avait donc pour objectif d’insister sur le maintien de l'ordre dans la collectivité et sur des partenariats durables avec les fournisseurs de services sociaux, afin de mettre au point une approche stratégique combinée qui intègre les stratégies de bien-être menées à l’initiative de la Ville et les ressources accrues dans les quartiers avec un meilleur modèle de maintien de l'ordre dans la collectivité.

Nous devrions mettre l’accent sur la prévention de la criminalité grâce au rehaussement des ressources communautaires et des programmes de déjudiciarisation destinés aux jeunes. Cette vision mise toujours sur les préoccupations de mes commettants vis-à-vis de la surcriminalisation et de la surintervention policière dans les quartiers très défavorisés et sur la méfiance des communautés à l’endroit du Service de police d’Ottawa. Or, nous devons saluer les interventions prometteuses menées récemment par le Service de police d’Ottawa, dont la mise sur pied des Équipes de ressources de quartier (ERQ). Ces équipes apportent un degré d’optimisme prudent pour les communautés qui espèrent que le maintien de l'ordre à Ottawa se déroulera selon un modèle durable de participation communautaire. Il faut optimiser les ERQ pour s’assurer que ce modèle est consacré à la résolution des problèmes, plutôt qu’à une approche d’application des lois. Dans le cadre du projet pilote des ERQ, on pourrait s’inspirer du modèle qu’applique l’Unité des services de sécurité communautaire d’Ottawa et qui consiste à : i) être présent et accessible dans la collectivité; ii) répondre aux préoccupations de la collectivité relativement à la sécurité; iii) travailler en collaboration avec les résidents et les partenaires communautaires; et iv) adopter une approche communautaire dans la résolution des problèmes.

D’emblée, tout indique que le projet pilote des ERQ et les Équipes intégrées de services de quartier ont mieux réussi à répondre aux attentes de la collectivité pour l’avenir du maintien de l'ordre. C’est pourquoi je recommande vivement de rehausser ce projet pilote afin de mieux tenir compte de l’approche communautaire dans la résolution des problèmes, en plus de travailler à la continuité et à la permanence du programme pour le déployer sur le territoire de la Ville en lui donnant beaucoup plus d’envergure. En outre, il faudrait offrir aux agents la formation et les ressources dont ils ont besoin pour aider les victimes, surtout les victimes de crimes violents dans la communauté noire, et pour éliminer les causes explicatives de la criminalité.

Dans les dernières années, partout dans le monde, les administrations municipales ont adopté le modèle du « maintien de l'ordre progressif axé sur les services », qui met l’accent sur le rétablissement de l’ensemble de la collectivité, plutôt que sur la dissuasion traditionnelle. En particulier, le modèle de maintien de l'ordre de Glasgow s’inscrit dans une approche intégrée, qui englobe non seulement le maintien de l'ordre, mais aussi la dissuasion de la criminalité chez les jeunes, de concert avec des ressources communautaires qui favorisent les perspectives économiques et la croissance de la collectivité. Cette approche est fondée sur le principe voulant que l’ordre public dépende des réalités sociales et économiques des collectivités, soit surtout les réalités qui se répercutent sur les jeunes. Ce modèle vise à réduire les comportements antisociaux dès les balbutiements de l’activité criminelle en déployant des équipes dotées des ressources et des liens avec les services communautaires nécessaires pour aider directement les jeunes à risque. Il faudrait étudier cette approche et, idéalement, l’adopter à Ottawa, puisqu’il reste encore beaucoup de travail à faire en édifiant une approche intégrée qui répondra le mieux possible aux intérêts des familles et des jeunes à risque et des personnes défavorisées, qui seraient mieux servis en étendant les services et les perspectives communautaires, au lieu de faire appel à des stratégies destinées à les soumettre à des modèles traditionnels d’application des lois.

Après avoir pris connaissance du rapport déposé par le SPO auprès de la Commission de services policiers d’Ottawa pour donner suite à ma motion sur la violence par les armes à feu, je constate que ce rapport ne se penche pas sur les efforts de réduction des armes illicites, par exemple un programme de rachat. Ce rapport, dans lequel il est question du programme pilote « Pixels pour pistolets », écarte les options de rachat des armes à feu au motif que ces options seraient inefficaces. Or, dans ce rapport, il n’est pas du tout question de solutions de rechange qui pourraient permettre de réduire le nombre d’armes à feu illicites dans nos communautés. L’État fédéral et le gouvernement provincial doivent montrer la voie à suivre dans le dossier de la réduction de la criminalité par les armes à feu, puisque la Ville dispose d’une capacité législative limitée pour contrer la multiplication incessante des armes de poing illicites sur notre territoire.

Dans le quartier Rideau-Rockcliffe, qui comprend l’une des communautés les plus pauvres du Canada, l’enjeu de la violence par les armes à feu revêt plusieurs aspects et justifie une intervention complexe de tous les ordres de gouvernement. Je crois que les résidents du quartier 13 souhaitent que les outils adoptés permettent de réglementer l’utilisation et la propriété des armes de poing dans la municipalité et espèrent que l’État fédéral apportera aux lois les changements promis et que la municipalité les adoptera fonctionnellement.

Dans l’ensemble, je remercie les membres du SPO et de la Commission de services policiers d’Ottawa du rapport déposé pour donner suite à ma motion visant à endiguer la violence par les armes à feu. Il me tarde que des mesures formelles soient adoptées pour donner suite à ma demande, qui vise à renouveler l'importance consacrée au maintien de l'ordre dans la collectivité et sur des partenariats communautaires durables.

Cordialement.

Rawlson King


  1. c. Commission de services policiers d'Ottawa
    Chef de police et équipe de la haute direction du SPO
    Conseil municipal

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